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Les procès contre l'Etat et la SNCF

WEBTRAINS.NET - REDACTION FRANCOPHONE
16/07/2007 à 15 HEURES 15

Les procès contre l'Etat et la SNCF, "une justice attendue depuis 60 ans".

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Près d'un millier de personnes agissent contre l'Etat et la SNCF pour l'arrestation, l'internement et le transport des personnes réputées juives ou de résistants de 1941 à 1944. Le juge administratif aura à connaître du sort des familles déportées vers les centres de mise à mort d'Europe de l'Est.
Le 6 juin 2006, le Tribunal administratif de Toulouse a reconnu la responsabilité pour fautes de service de l'Etat et la SNCF pour le transport en France et l'internement de la famille LIPIETZ au camp de concentration de DRANCY. Alors que l'Etat a pris acte de sa condamnation à verser 40.000 euros à la famille LIPIETZ, la SNCF condamnée à verser 20.000 euros a interjeté appel.
L'affaire a d'abord été portée devant une formation ordinaire de la Cour et plaidée le 30 janvier 2007. Lecommissaire du gouvernement a prononcé à cette occasion des conclusions proposant de confirmer le jugement de première instance s'agissant de la question de la compétence.

Ce n'est qu'après cette audience et la veille du jour où l'arrêt devait être rendu que le président de la Cour a décidé de renvoyer l'affairedevant la formation plénière, à une audience fixée 21 mars 2007.

Le Commissaire du Gouvernement Didier PEANO a soutenu à cette occasion la réformation de ce jugement devant la Cour administrative d'appel de BORDEAUX : l'action contre la SNCF est soumise à la prescription de 30 ans et aucune preuve de « fautes distinctes » de l'entreprise dans le transport de la famille LIPIETZ du sud au nord de la France en 1944 n'a été apportée. « L'opération a été ordonnée par l'Etat, c'est donc l'Etat qui doit payer » défend-il.
La Cour d'appel administrative de BORDEAUX a décidé de façon exceptionnelle et inattendue de se réunir à nouveau pour réexaminer les faits de l'affaire. La formation plénière, la plus haute formation de la Cour composée de 7 magistrats a décidé que l'affaire relèvait de la compétence de la juridiction judiciaire. Selon la Cour, la SNCF n'était pasdotée de prérogatives de puissance publique et n'avait pas assuré un service public administratif. L'entreprise a agi sous le régime de la demande de "mise à disposition" ou de la "réquisition d'une autorité administrative", à savoir le gouvernement de Vichy.

En outre, il n'y aurait pas eu de convention spéciale organisant les transports de déportés et ce sont les Nazis et les autorités de Vichy qui fixaient jusqu'aux conditions de transport.

D'aucuns s'avancent aujourd'hui à déresponsabiliser les services de la SNCF pour le transport de personnes civiles dans des wagons à bestiaux en France et vers les centres de mise à mort. Il faut beaucoup de temps pour appréhender la gravité du travail ordinaire et de la collaboration de bureau de la direction de la SNCF et de ses services techniques qui sont très éloignés de l'effroyable réalité des convois et de la résistance courageuse d'une minorité de cheminots. Il faut rappeler que dès 1940, la SNCF avait été confrontée à l'expulsion des Juifs de Bade sur la zone sud et avait demandé qu'un programme établi d'accord avec les autorités allemandes soit arrêté comme toute affaire ordinaire. La SNCF a participé à l'ensemble des grandes réunions décidant de la déportation des juifs de France avec l'Etat français et les autorités nazies. L'horreur des camps d'extermination ne peut seule attirer toute notre attention et nous empêcher de penser et d'entrevoir la question de la responsabilité de la SNCF. Il faut rappeler également que la résistance des cheminots ayant facilité des évasions de déportés ou remis à leurs familles des messages jettés des wagons a été une action menée contre l'Etat et la SNCF.

Le seul cheminot, Léon BRONCHART qui a refusé de conduire un convoi de déportés a été sanctionné par la seule privation de sa prime annuelle. Informée de la nature et de la destination des convois en vue de l'internement à Drancy, puis de la déportation des personnes, la SNCF n'a jamais émis ni objection ni protestation sur l'exécution de ces transports, alors qu'elle protestait contre les réquisitions de trains et matériel par les allemands. La SNCF facturait systématiquement ces prestations de transport à l'Etat au tarif 3ème classe et utilisait à cette fin, comme pour le transport des consorts LIPIETZ de Toulouse à Paris- Austerlitz, des wagons destinés au transport de marchandises ou d'animaux, dont ses agents avaient eux-mêmes obstrué les ouvertures, sans fournir aux personnes transportées ni eau, ni nourriture, ni conditions minimales d'hygiène. La SNCF ne fait nullement état d'une quelconque contrainte susceptible de justifier de tels agissements. Cette dernière n'a pas été réquisitionnée par l'Etat et assurait l'exécution des transports sous le contrôle allemand. C'est ce qui ressort du rapport BACHELIER de 1998 portant sur le rôle de la SNCF dans la déportation des juifs et commandé par la seule SNCF. D'autre part, il serait juste d'étendre le raisonnement touchant la prescription de l'action contre l'Etat à la SNCF. Le délai de prescription court à partir de la publication de l'arrêt PAPON du Conseil d'Etat du 12 avril 2002 pour l'Etat.

Depuis l'arrêt GANASCIA du 14 juin 1946, le Conseil d'Etat avait refusé d'assumer la continuité de l'Etat et avait instauré un régime d'irresponsabilité de la puissance publique à raison des agissements commis par l'administration française à l'égard des personnes réputées juives. C'est dans l'affaire PAPON que le Conseil d'Etat a décidé que la responsabilité de l'Etat se trouvait nécessairement engagée à raison des actes ou agissements de l'appareil étatique français pendant l'occupation allemande.

D'aucuns ressortent l'avatar du juif cupide en prétendant que les victimes et leurs familles agissent pour ldes intérêts purement pécuniaires. Il est hors de tout bon sens d'avancer que ces justiciables profiteront des indemnités pour leur internement et leur déportation dans des conditions effroyables. D'autres sont satisfaits de la seule condamnation pour complicité de crime contre l'humanité qu'aura connu la France, celle du fonctionnaire Maurice PAPON.

Les familles agissent ainsi contre l'Etat français qui a refusé devant le juge administratif de 1946 à 2002 de reconnaître sa responsabilité dans la déportation des personnes considérées comme juives. Ces requérants ne font que suivre le chemin emprunté par les personnes, parties civiles au procès PAPON de la Cour d'assises de GIRONDE. Chacune manifeste son exigence à l'égard de l'Etat. Ce dernier ne doit pas couvrir sa responsabilité en sommant la justice administrative d'assurer son immunité. Les familles privées d'accès à la justice pendant 60 ans ont raison de manifester leur défiance et leurs attentes à l'égard d'un tel Etat. Ces requérants n'ont pas oublié que le régime de VICHY était né légalement de la IIIème République française, lorsque la grande majorité des parlementaires avaient voté les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain.

S'agissant de la SNCF, les justiciables exigent de cette entreprise qu'elle prenne la mesure de sa responsabilité dans la déportation des juifs. Cette démarche implique à priori que cette entreprise ouvre l'ensemble de ses archives publiques aux historiens, ce qui n'a pas été le cas jusqu'à ce jour. En effet, l'historien Christian BACHELIER n'a pas eu accès aux archives des services centraux de la SNCF, comme cela fut également le cas pour l'historien allemand Jochen GUCKES qui fut le premier à s'intéresser à cette question.

De plus en plus nombreuses sont les personnes internées et déportées survivantes ou les familles des victimes mortes en déportation qui mettent en cause la responsabilité de l'Etat et de la SNCF afin d'obtenir une décision de justice reconnaissant leur responsabilité et les condamnant à verser des indemnités aux familles. Des résistants et des tsiganes se sont rangés aux côtés des victimes civiles juives et tziganes et se sont engagés dans ces procès contre l'Etat et la SNCF. Ils nous rappellent que les déportations par convoi à bestiaux vers les centres de mise à mort de Pologne ont été préparées et organisées par les autorités allemandes et françaises de concert avec les services de la SNCF. Il est regrettable que cette entreprise soit mise face à son passé devant le juge, alors que les principales entreprises allemandes impliquées dans la déportation ont assumé leur passé depuis longtemps, cette reconnaissance s'appelle le Vergangenheitsbewaltigung en allemand.

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